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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/266

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chapeau de paille sur la tête, elle respirait, à côté de son mari, la brise de la mer. Deronda eut un tressaillement de surprise avant de pouvoir saluer et passer outre. Le moment ne lui sembla pas propice pour de plus longues civilités et les circonstances dans lesquelles ils s’étaient quittés le faisaient douter que Grandcourt l’accueillît poliment. Ce doute se serait changé en certitude s’il avait su que Grandcourt, à son apparition inattendue à Gênes, s’était demandé sur-le-champ comment une entente préalable avait pu se faire entre Gwendolen et lui ? il est vrai qu’avant d’être rentrés dans leur appartement, il avait vu combien sa supposition était peu probable ; néanmoins, Deronda était à Gênes, et il ne pouvait admettre sa présence en cette ville comme un pur effet du hasard. Son dépit fut visible. En tout cas, il tint pour avéré, et il ne se trompait pas, que Gwendolen comptait bien avoir une entrevue avec Deronda dès que son mari aurait le dos tourné.

En prenant son café, assis à un coin de la table d’où il pouvait voir sa femme en plein visage, il discerna chez elle comme une joie secrète, une nouvelle disposition à se mouvoir, à parler, et un éclat particulier des yeux. Certes, ses ennuis n’avaient pas altéré sa beauté ; madame Grandcourt était plus attrayante que miss Harleth ; — sa grâce et l’expression de sa physionomie s’étaient perfectionnées, et toute sa personne exhalait ce charme indéfinissable qui rend une femme bien plus désirable après qu’avant son mariage. Dans tous ces signes, Grandcourt lut clairement ce qu’était l’attente de Gwendolen.

— Veuillez sonner, je vous prie, et donner vos ordres à Gibbs, pour que le dîner soit prêt à trois heures, dit Grandcourt en se levant et en prenant son chapeau. Je vais envoyer Angus louer un bateau à voile dans lequel nous sortirons ; un bateau que je puisse manœuvrer pendant que vous tiendrez le gouvernail. Ces belles soirées sont fort agréa-