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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/293

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étaient d’une élégance incomparable. Du reste, ce « mouvement » maritime de M. et madame Grandcourt avait été mentionné dans les « journaux », de sorte que cette nouvelle phase de la vie de Gwendolen devenait une partie importante du roman de ses sœurs.

Quand Rex était présent, on s’abstenait d’aborder ce sujet ; aussi, ce jour-là, s’était-on contenté de parler des Meyrick et de leurs étranges amis juifs, ce qui amena d’étonnantes questions des petites filles, pour lesquelles la vie juive était un problème. Berthe ne pouvait se figurer quelle était actuellement la croyance des juifs, car elle pensait qu’ils avaient renoncé à l’Ancien Testament puisqu’il prouvait le nouveau ; miss Merry pensait qu’on ne pouvait convenablement discuter avec Mirah et son frère, et l’aimable Alice ne s’inquiétait pas de ce que croyaient les juifs, car elle était sûre de ne pas pouvoir les souffrir. Madame Davilow rectifia cette opinion en disant que les grandes familles juives que l’on voyait dans la haute société étaient tout à fait ce qu’elles devaient être à Londres et à Paris ; mais elle admettait que les juifs du commerce, non convertis, étaient répréhensibles ; Isabelle demanda si Mirah parlait comme tout le monde et si l’on pouvait causer avec elle sans deviner qu’elle était juive.

Rex, qui n’était pas partisan des israélites, et que l’étude de leur histoire avait fortement ennuyé, s’amusait à exagérer les suppositions de ses cousines, auxquelles Anna s’efforçait de faire bien comprendre qu’il plaisantait. Soudain, les rires furent interrompus par l’arrivée d’une lettre pour madame Davilow, qu’un messager venu en hâte de Pennicote avait apportée. Elle contenait un télégramme, et comme madame Davilow le lut à plusieurs reprises sans dire un mot, comme son agitation était manifeste, tous les yeux se tournèrent vers elle sans que personne osât parler. Enfin, revenue à elle et voyant l’inquiétude peinte