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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/299

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jeune veuve, se contente d’une modique rente de deux mille livres par an et de la maison de Gadsmere, espèce de bannissement pour elle si elle consent à s’y confiner, ce que je ne présume pas. La mère du petit garçon habite là depuis plusieurs années. Vraiment, je suis dégoûté de Grandcourt, et je ne me crois pas obligé d’avoir de lui une meilleure opinion parce qu’il s’est noyé et qu’en ce qui touche mes affaires, il ne pouvait mieux agir.

— À mon avis, s’il a eu tort, ç’a été d’épouser cette jeune femme… et non de laisser ses biens à son fils, dit sèchement Deronda.

— Je ne trouve pas mauvais qu’il ait laissé la terre à l’enfant, repartit sir Hugo. Mais, puisqu’il avait épousé cette jeune fille, il devait au moins la pourvoir de façon qu’elle pût continuer à tenir le rang auquel il l’avait élevée. Elle aurait dû avoir de quatre à cinq mille livres par an et la maison de Londres viagèrement. C’est ce que, moi, j’aurais fait. Comme elle n’avait point de dot, je suppose que ses parents n’ont pas osé exiger de douaire ; autrement, ils auraient eu tort de se fier a un testament passé après le mariage. Les hommes les plus sages mêmes, laissent percer une folie dans leur testament, mon père tout le premier. Il est clair pour moi que Grandcourt a voulu que sa mort fût un éteignoir pour sa veuve, si elle ne lui donnait pas d’héritier.

— Et autrement, le contraire aurait eu lieu ; c’est l’illégitimité qui aurait eu l’éteignoir, dit Daniel avec mépris.

— Précisément : Gadsmere et les deux mille livres. C’est original. Ce qui m’ennuie, c’est que Grandcourt m’a constitué son exécuteur testamentaire, et, comme il était le fils de mon unique frère, je n’ai pas pu décliner cette obligation. Cependant, je le regretterai moins si je puis être utile à la veuve. Lush croit qu’elle n’ignore rien de la famille qui est sous roche, ni du contenu du testament.