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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/31

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miss Harleth et n’était pas homme à s’en repentir. Il savait qu’il ne s’était pas marié à une idiote incapable de percevoir l’impossibilité de lui échapper, sans voir en même temps les maux qui en résulteraient ; il avait épousé une fille ayant assez d’esprit et d’orgueil pour ne pas faire d’elle une folle, en compromettant les avantages d’une position qui l’avait attirée, — et, si elle avait besoin d’allusions claires pour se conduire convenablement, il aurait soin de ne pas les lui épargner.

Ce qui s’était passé entre eux au sujet des diamants était typique. Un soir, peu de temps avant de venir à l’abbaye, ils devaient dîner à Brackenshaw-Castle. Gwendolen, qui s’était promis de ne jamais porter les diamants, sur lesquels les horribles mots de la lettre de Lydie ressortaient en caractères flamboyants, descendit en robe blanche, ayant autour du cou un collier d’or auquel pendait un médaillon d’émeraude que Grandcourt lui avait donné, et aux oreilles de petites étoiles également en émeraudes. Grandcourt, appuyé à la cheminée, la vit entrer.

— Suis-je bien comme vous le désirez ? lui dit-elle presque gaiement. Elle n’allait pas sans plaisir à Brackenshaw-Castle dans sa nouvelle dignité.

— Non, répondit Grandcourt, mettez vos diamants.

Gwendolen demeura muette ; elle tremblait de laisser percer la moindre émotion, et cependant elle fut convaincue que ses yeux avaient laissé une altération se manifester quand ils rencontrèrent ceux de son mari. Il fallait répondre ; elle dit aussi indifféremment que possible :

— Oh ! non ! je vous en prie. Les diamants ne me vont pas. Je ne le crois pas.

— Ce que vous croyez n’a rien à faire ici, répliqua Grandcourt avec son sotto voce impérieux. Je désire que vous mettiez vos diamants.

— Excusez-moi, je vous en prie, j’aime ces émeraudes,