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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/334

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raisons spéciales tirées des écrits eux-mêmes, et je suis encore un élève trop en retard.

— Je ne vous demanderai pas de promesses avant que vous en ayez vu la raison, reprit Mordecai. Pendant bien des années, mon espérance… que dis-je ! ma conviction a été que ma vision et ma passion entreraient en vous… oui, en vous !… Car celui que j’appelais de si loin, n’était-ce pas vous, que j’ai reconnu comme mien quand vous vous êtes approché de moi ?… Vous jugerez néanmoins, car mon âme est satisfaite. — Mordecai s’arrêta : puis, changeant de ton, il revint aux premières suggestions de la découverte faite par Deronda.

— Qu’est-ce donc qui poussa vos parents ?… Mais il n’alla pas plus loin et ajouta : — Je ne vous demande pas de me dire ce qui concerne d’autres personnes que vous, à moins que cela ne vous convienne.

— Plus tard, progressivement, vous saurez tout, dit Deronda. Maintenant, parlez-moi un peu de vous ; dites comment le temps a passé depuis mon départ. Je suis sûr qu’un chagrin est venu vous visiter. Mirah doit avoir eu quelque contrariété.

Il regarda la jeune fille, qui se tourna vers son frère, le suppliant du regard de répondre pour elle. Elle espérait qu’il ne jugerait pas nécessaire de dévoiler ce même soir à Deronda les faits relatifs à leur père. Pour se délivrer de cet embarras, elle se leva, prit son chapeau et son manteau, et voulut se rendre dans sa chambre ; peut-être causeraient-ils plus librement quand elle serait sortie ; mais Mordecai dit :

— Aujourd’hui, nous avons eu un chagrin. Un devoir qui semblait très éloigné est revenu et nous a montré sa face. Ce n’est pas du bonheur, c’est un malheur auquel il faut nous soumettre. Pour l’instant, nous sommes délivrés d’un joug visible. Différons d’en parler, comme si le soir qui