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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/338

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Elle n’aurait pas fait cette question alors quelle était jeune fille.

— Je ne dormais pas, mon ange.

— Il ne me semblait pas réel que vous fussiez là, près de moi. J’avais besoin de m’en assurer. Je puis tout supporter quand vous êtes avec moi. Mais il ne faut pas rester éveillée ni inquiète à cause de moi. Il faut que vous soyez heureuse maintenant ; il faut qu’enfin vous me laissiez vous faire heureuse… autrement, à quoi serais-je bonne ?

— Dieu te bénisse, chère enfant ! J’ai tout le bonheur désirable quand je te vois faire tant de cas de moi.

La nuit suivante, madame Davilow entendant sa fille soupirer et s’agiter, lui dit :

— Veux-tu que je te donne ta potion, Gwendolen ?

— Non, maman ; merci. Je ne tiens pas à dormir.

— Ce serait cependant bien bon pour toi, ma chérie.

— Ne dites pas que ce serait bon pour moi, maman, répondit-elle avec impétuosité. Vous ne savez pas ce qui serait bon pour moi. Il ne faut pas que mon oncle et vous me contredisiez et me disiez ce qui est bon pour moi quand je sens que cela ne l’est pas !

Madame Davilow se tut et ne s’étonna pas que sa pauvre enfant fût irritable. Gwendolen reprit aussitôt :

— J’ai toujours été mauvaise pour vous, maman.

— Non, ma chérie, non.

— Si ; je l’étais, insista Gwendolen. C’est parce que j’ai toujours été méchante que je suis malheureuse maintenant. Puis elle se mit à sangloter et à gémir. — Sa détermination de garder le silence sur le cours et la fin de sa vie conjugale réagissait en épanchements énigmatiques.

Mais quelques lueurs d’interprétation arrivèrent à la mère grâce aux explications fournies par sir Hugo à M. Gascoigne, et, sauf quelques omissions, par ce dernier à sa belle-sœur. L’excellent baronnet, tout en prenant les mesures les plus