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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/345

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dépendance ; elle ne voulait, à aucun prix, perdre l’appui de Deronda, ni reculer devant l’entrevue à laquelle aspirait son âme. Quand elle fut arrivée à Park-Lane et qu’elle eut appris que le baronnet allait partir pour l’abbaye afin d’y voir sa famille pendant une couple de jours, après lesquels il reviendrait s’occuper des affaires de Gwendolen, elle lui dit sans hésitation en présence de sa mère :

— Sir Hugo, j’aurais besoin de voir M. Deronda aussitôt que possible. Je ne connais pas son adresse. Voulez-vous me la dire, ou lui faire savoir que je tiens à lui parler ?

— Je ne sais si en ce moment il est chez lui ou à l’abbaye, répondit le baronnet, mais je vais m’en assurer en lui envoyant un mot. S’il est à l’abbaye, je m’acquitterai de votre message et vous l’enverrai tout de suite. Je suis certain qu’il ne demandera pas mieux que de vous obéir.

Le baronnet avait la persuasion que Gwendolen ressentait pour Deronda un attachement passionné dont le germe avait crû peu à peu, et ses premiers soupçons lui revinrent avec plus de force que jamais. Pour lui, ç’aurait été une jolie histoire que de voir s’unir cette belle créature à son favori Dan ; à son avis, ils étaient faits l’un pour l’autre, et l’insupportable mari avait disparu à point nommé. Sir Hugo aurait désiré voir cette femme charmante aussi heureuse que possible, mais un doute le contrariait ; celui de savoir si le trop discret Dan n’avait pas dans la tête un plan opposé au sien et dans le cœur un amour pour une autre que l’aimable madame Grandcourt, ce qui mettrait obstacle à un mariage si bien préparé. Sir Hugo s’irritait contre Deronda à cette idée ; mais il faut reconnaître que ces dispositions étaient prématurées quinze jours seulement après la mort de Grandcourt. Il arrive trop souvent à la pensée d’être en avance ou en retard.

Quoi qu’il en soit, le baronnet envoya le billet à l’appartement de Deronda, où on le trouva.