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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/347

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addio. Seulement la mélodie était chantée par la voix chérie de Mirah. Il se promenait de long en large dans ce salon et pensait à cette jeune femme dont la vie avait, comme la sienne, subi une transformation, mais une transformation tragique vers un résultat indécis, auquel il sentait avec regret que sa propre action était encore liée.

Gwendolen entra. Elle paraissait changée, non seulement par son vêtement de veuve, mais encore par une tranquillité d’expression plus satisfaisante que celle qu’il avait vue sur son visage à Gênes. Cette satisfaction provenait de ce que Deronda était là ; cependant, lorsqu’ils se tendirent la main, aucun sourire n’apparut sur leurs lèvres ; ils étaient oppressés par leurs souvenirs et par d’inquiètes prévisions.

— Vous êtes bien bon d’être venu, dit-elle en se laissant tomber dans un fauteuil. — Il s’assit en face d’elle. — Je vous ai prié de venir, continua-t-elle, parce que j’ai besoin que vous m’appreniez ce que je dois faire. Ne craignez pas de me dire ce que vous croirez juste, parce que cela pourrait me paraître dur ; j’ai résolu de m’y soumettre. J’ai eu peur, un jour, d’être pauvre ; je ne pouvais souscrire à l’idée d’être commandée par d’autres ; c’est pourquoi j’ai fait… je me suis mariée. J’ai enduré de pires maux, et je crois que je m’habituerai à la pauvreté si vous jugez que je le doive. Vous connaissez le testament de mon mari ?

— Oui, sir Hugo m’en a parlé, répondit Deronda, qui devina ce qu’elle allait lui demander.

— Dois-je accepter ce qu’il m’a laissé ? reprit-elle avec une vivacité nerveuse. Je veux vous ouvrir mon cœur. Peut-être ignorez-vous que ce fut en grande partie à cause de ma mère que je me suis mariée ? J’étais égoïste, mais je l’aimais et je souffrais à l’idée qu’elle serait dans le besoin. Ma plus grande consolation, quand je me trouvais malheureuse, était de la savoir en meilleure situation par mon mariage. Ce serait une souffrance pour moi si elle était de