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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/360

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et qu’elle vous a pardonné. C’est par ma voix qu’elle vous parle.

Mirah l’implorait, mais elle ne put lui rendre une de ses caresses d’autrefois. Lapidoth eut bientôt recouvré son calme et parla à sa fille de l’amélioration de sa voix et d’autres sujets analogues. Quand madame Adam vint pour débarrasser la table sur laquelle il avait soupé, il entama une conversation avec elle, afin de lui montrer qu’il n’était pas un homme commun, quoique ses vêtements n’en donnassent pas la preuve.

Pendant ses heures d’insomnie de la nuit, il fit toutes sorte de supputations pour calculer combien Mirah pouvait avoir d’argent ; puis ses pensées se portèrent sur la roulette, sur la méthode qu’il avait suivie, et sur la martingale qui l’avait fait perdre. Certes, il avait eu de bonnes raisons pour venir en Angleterre ; mais, à tout prendre, c’était un maudit pays.

Telles furent les visions qui le hantèrent pendant cette première nuit qu’il passait sous le toit de ses enfants. Quant à son fils irrité et au jugement terrible qu’il avait prononcé, ce fut à peine s’il s’en souvint. Ezra passa devant ses yeux comme un fantôme immatériel, et ses paroles furent couvertes par le bruit des numéros et les mouvements du jeu, qui semblaient être devenus le fond de sa conscience.