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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/367

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sincérité, je ne vois pas comment je pourrais, de propos délibéré, lui faire connaître ce que je ressens pour elle. Si elle ne peut me payer de retour, j’aurai troublé son repos ; car ni elle ni moi ne pouvons quitter son frère et nous nous rencontrerons continuellement à côté de lui. Si l’aveu involontaire de mon sentiment devait lui causer de la peine, je ne me considérerais que comme un être malfaisant, un animal nuisible.

— Je ne crois pas avoir jamais avoué mon sentiment pour elle, dit Hans comme pour se venger.

— Alors vous supposez que nous sommes tous deux au même cran ? Vous n’avez point de raison, en ce cas, pour m’envier.

— Oh ! pas la moindre, répondit Hans avec une ironie amère. Vous avez mesuré mon opinion et vous savez qu’elle dépasse vos avantages.

— Je suis un ennui pour vous, Meyrick ; j’en suis peiné, mais je n’y puis rien, dit Deronda en se levant. Après ce qui s’est passé entre nous déjà, je tenais à vous donner cette explication et je ne vois pas que mes prétentions soient un grand obstacle pour vous. Il n’est pas probable que je réussisse dans les circonstances actuelles, maintenant que leur père est là ! Savez-vous que le père est avec eux ?

— Oui. S’il n’était juif, je l’enverrais au diable, dit Hans.

— Nous nous voyons, elle et moi, avec plus de contrainte que jamais. Les choses peuvent durer ainsi pendant des années, sans que je sache ce qu’elle ressent pour moi. Voilà la situation véritable, Hans. Nous devons renoncer à cette sorte de rivalité qui probablement n’aboutira à rien. Notre amitié peut supporter cet effort.

— Non, elle ne le peut pas ! s’écria Hans en jetant furieusement ses pinceaux ; puis il fourra violemment ses mains