Aller au contenu

Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ses poches et se rapprocha de Deronda, qui recula un peu et le regarda étonné. — Notre amitié… mon amitié… ne peut pas supporter l’effort de me montrer lâche et ingrat envers vous, en un mot d’envier votre bonheur !… Car vous êtes le plus heureux coquin de la terre ! Si Mirah aime quelqu’un, mieux encore que son frère, ce quelqu’un, c’est vous !…

Hans pivota sur ses talons et alla se jeter dans un fauteuil en regardant Deronda avec une expression qu’on n’aurait pu qualifier précisément de tendre. Un éblouissement fit chanceler Daniel ; un frisson parcourut tout son corps et, après un léger silence, il dit :

— C’est une fiction de votre bon naturel, Hans.

— Je ne suis pas d’humeur à avoir un bon naturel. Je vous affirme que j’ai trouvé le fait joliment amer, quand il m’a été révélé ; d’autant plus, ou peut-être d’autant moins que je croyais votre cœur engagé à la duchesse. Mais maintenant, que le diable soit de vous ! vous voilà amoureux à la bonne place : juif ! et avec tous les avantages !

— Dites-moi ce qui vous a convaincu. Ce serait d’un bon garçon, dit Deronda en cachant une joie à laquelle il n’était pas accoutumé.

— Ne me demandez rien. Petite mère en a été témoin. Le fin mot est que Mirah est jalouse de la duchesse, et plus tôt vous calmerez son inquiétude, mieux cela vaudra. Voilà ! je me suis délivré d’un poids qui m’oppressait, et je puis dire que vous avez obtenu ce que vous méritiez, c’est-à-dire… le plus grand bonheur que je connaisse.

— Dieu vous bénisse, Hans ! dit Deronda en lui tendant la main que l’autre prit et serra en silence.