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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/37

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se rencontrant ! Grandcourt devient un nouveau Jason. Je me demande comment il jouerait ce rôle !.. Il me semble entendre la Ristori criant : « Jason ! Jason ! » Ces jolies femmes tiennent assez généralement à leur imbécile.

— Grandcourt n’est pas un imbécile, dit Deronda ; il peut mordre.

— Je parle de Jason. Je ne puis pas trop comprendre Grandcourt. C’est un rusé compère et qui est supérieurement bâti. Bah ! s’il arrive à posséder toutes les terres, les domaines supporteront le partage. Cette jeune personne, dont je sais que les parents étaient réduits à la misère, peut se croire très heureuse de l’avoir pour mari. Je ne me crois pas obligé d’être dur pour un homme, parce qu’il s’est emballé dans une affaire de cette sorte ; mais il pourrait se montrer plus aimable. Hier soir, je lui racontais une histoire très intéressante ; eh bien, au milieu de mon récit, il s’est levé et s’en est allé. J’étais tenté de le rosser. Croyez-vous qu’il l’ait fait par inattention ou par insolence ?

— Oh ! il peut y avoir de l’un et l’autre. Il observe assez généralement les convenances, mais il n’écoute pas beaucoup, dit Deronda. Il y eut une pause d’un moment, et il reprit : — Il doit y avoir de l’exagération ou de l’inexactitude dans ce que vous avez appris sur cette dame de Gadsmere.

— Pas un atome ; comptez là-dessus. Tout cela a été tenu secret pendant ces dernières années ; on l’a oublié ; mais le nid est là, et les oiseaux sont dedans. Du reste, je sais que Grandcourt y va ; j’en ai des preuves. Au surplus, c’est son affaire ; cela ne regarde personne.

— Je me demande comment vous avez pu être si bien renseigné sur cette histoire ? fit sèchement observer Deronda.

— Oh ! beaucoup de personnes la connaissent. Vous savez, ces histoires-là, on les empaquète comme de vieilles lettres. Moi, elles m’intéressent ; j’aime à connaître les mœurs de