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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/382

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Il y avait comme une tendresse timide dans la voix de Deronda, qui s’arrêta en lui jetant un regard compatissant.

Un sentiment de surprise se peignit sur le visage de Gwendolen. Elle pensa sur-le-champ à un changement dans sa position vis-à-vis de sir Hugo et de la fortune du baronnet. Elle lui dit donc :

— Vous n’avez jamais pensé qu’à ce qui pourrait me venir en aide et j’ai été bien ennuyeuse. Comment auriez-vous pu m’apprendre toutes ces choses ?

— Peut-être vous étonnerez-vous, reprit Deronda, que je n’aie su que récemment quels étaient mes parents ?

Gwendolen ne s’étonna pas ; seulement elle se sentit rassurée en pensant que ses prévisions étaient justes. Deronda continua :

— Si vous m’avez rencontré en Italie, c’est que j’y étais pour connaître ma mère. Elle avait voulu qu’on me laissât ignorer mon extraction ; elle s’était séparée de moi après la mort de mon père, quand j’étais encore au berceau. Mais, aujourd’hui qu’elle est atteinte d’une maladie qui ne pardonne pas, elle a senti qu’elle ne devait pas garder ce secret plus longtemps. Elle avait tenu surtout à ce que l’on ne me dît pas que je suis juif.

— Juif ! s’écria Gwendolen avec étonnement.

Deronda rougit et s’abstint de répondre ; quant à elle, les yeux baissés, elle s’efforçait de trouver une issue pour sortir d’embarras. Enfin, elle parut être arrivée à se former un jugement, car elle regarda de nouveau Deronda et lui dit :

— Quelle différence cela fait-il ?

— Une très grande pour moi, répondit-il. Mais il ne put continuer ; il trouvait la situation difficile ; la distance entre ses idées et colles de Gwendolen étant trop grande.