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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/389

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Deronda n’avait jamais été que pour elle, l’ardente sollicitude de Gwendolen s’expliquait, à ses yeux, comme une partie de sa dépendance reconnaissante pour sa bonté, qu’elle-même avait connue. Mirah était disposée à le considérer comme un ange protecteur, et ce dont elle s’étonnait, c’était d’avoir été assez bénie de Dieu pour être toujours aux côtés de Daniel.

Aussi, quand le voile de mariée la couvrit, il n’eut pas à cacher de tremblements causés par les doutes sur l’avenir, seulement un léger tressaillement d’inquiétude, en acceptant un si grand bonheur, qui exigeait de si grands devoirs en retour. Le dais de velours n’abrita jamais de couple plus beau ; jamais de lèvres plus fidèles ne burent le vin sacramentel du mariage ; les bénédictions nuptiales ne continrent jamais de promesses plus complètes que la loi mutuelle qu’ils échangèrent. Il va de soi qu’ils furent mariés selon le rite juif, et, au nombre des invités de la noce, on compta la famille Cohen tout entière, à l’exception du bébé, qu’on laissa sagement faire ses dents à la maison. Mordecai n’aurait pas permis que ses amis dans l’adversité ne vinssent pas se réjouir avec lui. Madame Meyrick le comprit si bien, qu’elle ne craignit pas de se trouver dans la compagnie du prêteur sur gages, et qu’elle vint avec ses trois filles, toutes convaincues que le mariage de Mirah avec Deronda couronnait un roman, qui, pour elles, serait toujours un doux souvenir. Si Hans avait été là, le bonheur eût été plus grand encore ; mais Mab avait déjà fait observer qu’il faut toujours que les hommes soient inconvenants. Supposez que Kate, Amy et elle eussent été amoureuses de Deronda ? Mais, étant femmes, elles n’étaient pas ridicules.

Les Meyrick furent récompensées de leur victoire sur leurs préjugés par un discours de M. Cohen, lequel discours eut la rare qualité de n’être pas taillé sur le patron usuel des sermons. Joseph mangea au delà de son âge,