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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/40

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c’est une intelligence de premier ordre. On sent qu’elle chante par nature.

— Alors pourquoi a-t-elle quitté le théâtre ? demanda lady Pentreath. Je suis trop vieille pour croire qu’une grande artiste abandonne volontairement ses chances de succès.

— Sa voix n’est pas assez forte. C’est une délicieuse voix de salon. Vous qui vantez ma manière d’interpréter Schubert, dit-il en s’adressant à madame Raymond, vous seriez enchantée de la sienne. Je crois qu’elle ne refusera pas de chanter dans des sociétés particulières ou dans des concerts.

— Je l’aurai dans mon salon quand nous retournerons à Londres, dit lady Mallinger ; vous l’y entendrez. Je ne la connais pas encore, mais je me fie à la recommandation de Daniel. J’ai l’intention de la donner pour maîtresse de chant à mes filles.

— Est-ce une affaire charitable ? demanda lady Pentreath ; je ne puis souffrir la musique charitable.

Lady Mallinger, qui n’était pas forte en conversation et qui avait pris l’engagement de ne rien dire de l’histoire de Mirah, eut un sourire embarrassé et regarda Deronda.

— Ce sera charitable, dit celui-ci, pour les personnes qui ont besoin d’un bon modèle et d’un excellent professeur de chant. Tous ceux qui ont de l’oreille en bénéficieront et pourront perfectionner leur style ordinaire. Si vous entendiez miss Lapidoth, fit-il en regardant Gwendolen, peut-être reviendriez-vous sur votre décision d’abandonner le chant.

— Je crois, au contraire, que cela confirmerait ma décision, répondit Gwendolen. Je ne me sens pas capable de suivre votre conseil, de jouir de ma médiocrité.

— Pour moi, reprit Deronda, les personnes qui font bien une chose, m’inspirent toujours la tentation de les imiter.