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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/50

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— Vous devriez aller jusqu’à l’une de ces fenêtres ; vous y verriez un admirable effet de lune sur les piliers et les sculptures.

— Je le veux bien. Consentez-vous à y venir avec moi ? demanda-t-elle en regardant son mari. »

Il abaissa les yeux sur elle et dit :

— Non, Deronda vous y conduira.

Puis il se redressa lentement en quittant le mur contre lequel il s’appuyait et s’éloigna d’un pas nonchalant.

Pendant un moment le visage de Gwendolen exprima du dépit et presque de la colère ; elle ressentait vivement cette preuve d’indifférence pour elle. Deronda en fut ennuyé, mais, pensant qu’il la soulagerait en se conduisant comme si rien de particulier n’était arrivé, il lui dit :

— Voulez-vous accepter mon bras et y venir pendant que les domestiques n’y sont pas ? — Il avait compris son action lorsqu’elle attira son attention sur le collier ; elle voulait qu’il en conclût qu’elle s’était soumise à sa réprimande et qu’elle n’éprouvait aucun ressentiment contre lui.

Pendant leur trajet, Gwendolen se dit que ce qui venait de se passer avait fait disparaître toute réserve entre eux, et qu’elle avait, plus que jamais, le droit de lui ouvrir son cœur. Arrivée à la fenêtre, elle quitta le bras de Deronda, s’enveloppa de son burnous et posa son front contre la vitre. Quant à lui, il s’éloigna un peu, par discrétion. Elle lui dit alors d’une voix altérée par l’émotion :

— Supposez que j’aie joué de nouveau et reperdu le collier ; qu’auriez-vous pensé de moi ?

— Plus de mal que je n’en pense maintenant.

— Eh bien, vous vous méprenez sur mon compte. Vous ne vouliez pas que je jouasse, vous ne vouliez pas que je fisse mon gain de la perte d’un autre, et j’ai fait mille fois pire.

— Je comprends les tentations, reprit Deronda. Peut-être puis-je deviner ce que vous pensez, c’est-à-dire que je