Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grandcourt lui offrit le bras, en faisant, par dessus l’épaule un signe d’adieu à Deronda. Gwendolen se retourna à demi pour le saluer et lui dire : « Merci ! » Le mari et la femme sortirent de la galerie et traversèrent les corridors sans échanger une parole. Quand la porte du boudoir fut refermée sur eux, Grandcourt s’étendit dans un fauteuil, et, de son ton voilé, mais péremptoire, dit : « Asseyez-vous ». S’attendant à une scène déplaisante, elle avait ôté son burnous avec un mouvement nerveux et obéit sur-le-champ.

— Obligez-moi à l’avenir, dit-il, de ne plus avoir de caprices comme une folle.

— Qu’est-ce que cela signifie ? demanda-t-elle.

— Il y a quelque secret entre vous et Deronda au sujet de ce que vous avez au poignet. Si vous avez quelque chose à lui dire, dites-le lui, mais finissez-en avec ces signes télégraphiques que les autres sont censés ne pas voir. C’est diablement vulgaire !

— Je puis vous raconter toute l’histoire de ce collier, dit Gwendolen, dont l’orgueil outragé surmonta la peur.

— Je ne veux rien savoir. Je ne vous demande rien. Ce que j’aurai besoin de connaître, je le saurai bien sans que vous me le disiez ; seulement, conduisez-vous comme il convient à ma femme et ne vous donnez pas en spectacle.

— Vous opposez-vous à ce que je parle à M. Deronda ?

— Je ne me soucie ni de Deronda, ni des imbéciles qui papillonnent autour de vous. Parlez-lui tant que vous voudrez ; il ne me prendra pas ma place. Mais vous êtes ma femme et vous tiendrez convenablement ce rang, — envers le monde et envers moi, — ou vous irez au diable.

— Mon intention a toujours été de tenir convenablement mon rang, dit Gwendolen profondément mortifiée.

— Vous avez mis cette chose à votre poignet et me l’avez tenue cachée jusqu’à ce que vous la lui ayez fait voir. Il n’y a que des fous pour se servir de cette conversation