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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/54

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sourde et muette et pour la croire secrète. Veuillez bien comprendre que vous ne devez pas vous compromettre. Conduisez-vous avec dignité ; c’est tout ce que j’ai à vous dire.

Il se leva en prononçant ces derniers mots, s’adossa à la cheminée et la regarda. Elle était muette. Elle ne pouvait lui faire de reproches en retour de cette insultante admonestation. Grandcourt était méprisant, mais pas jaloux. Pourquoi ne se révolta-t-elle pas ? Pourquoi ne le défia-t-elle pas ? Elle en mourait d’envie ; mais elle aurait tout aussi bien fait de défier ses nerfs ou les palpitations de son cœur. Elle était là, assise dans sa resplendissante toilette, comme une blanche image de l’impuissance, et lui, semblait se complaire à la regarder. Elle ne tenta même pas de lancer une exclamation de colère et de se tordre les bras, comme elle l’aurait fait quand elle était jeune fille. L’air de mépris de son mari qu’elle sentait sur elle la contraignait de demeurer calme.

— Faut-il sonner ? lui demanda-t-il après l’avoir considérée pendant un certain temps.

Elle fit de la tête un geste d’assentiment, et après avoir sonné, il se retira.

« Le tort que vous m’avez fait sera votre malédiction ! » Ces mots lui dévoraient le cœur. Quand son mari eut refermé la porte, des larmes brûlantes lui montèrent aux yeux, et les mots rongeurs provoquèrent cette réponse qu’elle ne put retenir :

« Pourquoi avez-vous jeté vos griffes sur moi, et non sur lui ? » Ce ne fut qu’un murmure, et ses larmes coulèrent silencieusement. Mais elle les sécha bientôt et commanda ses sanglots de s’arrêter.

Le lendemain, se sentant remise de la terreur dans laquelle l’avait plongée la scène de la veille, elle voulut user de la permission que lui avait dédaigneusement