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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/68

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choisit son terrain, Hans : ce n’est pas de cette façon que l’on décide une question spéciale de conduite. Je puis admettre vos généralités, et cependant avoir raison en disant que vous ne devez pas afficher le visage de Mirah en la prenant pour modèle de Bérénice. J’abandonne la question de publicité ; ce que j’en avais dit manquait de raison. Mais (il hésita un moment), comme affaire privée même, il y a des motifs suffisants pour que vous vous absteniez de la peindre au point de vue que vous mentionnez. Vous devez sentir que sa situation actuelle est très délicate, et avant qu’elle ait acquis l’indépendance, il faut la ménager autant qu’une glace de Venise que l’on craindrait de briser, si on l’enlevait de la place où elle est en sûreté. Êtes-vous certain de votre discrétion ? Excusez-moi, Hans ; mais c’est moi qui ai trouvé Mirah, et cette circonstance m’oblige à veiller sur elle. Me comprenez-vous ?

— Parfaitement, dit Hans en lui répondant par un sourire de bonne humeur. Vous avez de moi une juste opinion, si vous dites que je dois briser toutes les glaces qui se trouveront sur mon chemin et que je me casserai le cou. Depuis que j’ai donné à mes parents l’embarras de ma naissance, tout ce que j’ai pris à cœur s’est, en quelque sorte, changé en embarras. Ma peinture est le dernier embarras, et je serai un embarras toute ma vie. Vous pensez maintenant que je dois être un embarras pour la maison ? Eh bien ! non, je suis régénéré. Vous croyez que je suis amoureux de Mirah jusque par-dessus la tête ? Vous ne vous trompez pas : je le suis. Mais vous croyez que je vais crier, gémir, gâter tout ? Vous vous trompez — d’une façon excusable — mais totale. J’ai entrepris le baptême par immersion ; mon respect répond pour moi ; demandez à petite mère.

— Ne comptez-vous pas parmi vos embarras un amour sans espoir ? demanda Deronda.