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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/8

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lorsqu’une demi-heure avant rappel de la cloche, il courut faire toilette chez lui, il réfléchit à l’influence que son mariage avec Grandcourt pouvait avoir eu sur Gwendolen et se demanda s’il découvrirait une ombre de ce changement dans ses manières depuis sa visite à Diplow, de même qu’il en avait vu depuis leur première rencontre à Leubronn.

— Je crois, se disait-il, qu’il y a des natures que l’on pourrait voir croître ou dégénérer chaque jour, si on les suivait de près. Je suis sûr que cette femme garde des traces profondes de tout ce qui l’a une fois impressionnée. Cette petite affaire du collier et l’idée qu’on la blâmait de jouer, l’avaient évidemment mordue. Quelque fascination que puisse produire Grandcourt sur une femme aux goûts capricieux, qui pourrait croire, juste ciel ! que, dans les relations quotidiennes il excitera de tendres affections ? J’ai bien peur qu’elle ne l’ait épousé par ambition, pour échapper à la pauvreté. Mais pourquoi l’a-t-elle fui d’abord ? Il est vrai que la pauvreté n’est venue qu’après. Pauvre enfant ! elle peut y avoir été obligée. Comment ne pas ressentir de pitié pour une jeune personne comme elle, faisant reposer toutes ses aveugles espérances sur ce reste d’homme ?

La notion de Grandcourt comme un « reste d’homme » n’était pas fondée sur la connaissance d’un fait particulier, mais simplement sur l’impression que des rapports journaliers lui avait apportée que Grandcourt ne mettait son intérêt que dans les choses. Après ce que Deronda avait vu de Gwendolen, il ne pouvait qu’attendre avec intérêt son entrée dans le salon. Cependant, puisque la lune de miel durait depuis trois semaines déjà, et que Gwendolen avait été intronisée, non seulement à Ryelands, mais encore à Diplow, il était probable qu’elle avait dû composer son maintien pour soigneusement cacher ses impressions,