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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/83

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souriaient à ce récit, quand la sonnette retentit ; elles se regardèrent surprises.

— Mon Dieu ! s’écria madame Meyrick, si c’était lady Mallinger ! Est-ce une grande voiture, Amy ?

— Non ; seulement un joli cab. Ce doit être un gentleman.

— Peut-être le premier ministre, répliqua Kate. Hans dit que l’homme le plus haut placé de Londres peut n’avoir qu’un joli cab.

— Oh ! oh ! oh ! fit Mab. Supposons que ce soit lord Russell !

Les cinq visages paraissaient s’amuser beaucoup, lorsque la domestique apporta une carte de visite ; mais, comme elle avait, par mégarde, laissé la porte du salon ouverte, on vit s’incliner devant madame Meyrick une figure très différente de celle du premier ministre ; un homme de haute taille, au visage massif, aux cheveux flottants, avec des lunettes d’or ; en un mot, ainsi que le vit madame Meyrick en jetant les yeux sur la carte : Julius Klesmer.

La petite mère tressaillit un peu, mais prompte à se remettre, et envisageant du premier coup d’œil la situation, elle fut satisfaite de ce que ce personnage était venu voir Mirah, au lieu d’exiger qu’elle vînt chez lui.

— J’espère, dit-il en s’adressant très respectueusement à madame Meyrick, n’avoir pas pris une liberté trop grande. Me trouvant dans le voisinage, je me suis permis de venir jusqu’ici afin de perdre le moins de temps possible. Notre ami, M. Deronda, m’a fait comprendre que j’aurais l’honneur de rencontrer ici une jeune dame, miss Lapidoth.

Dès son entrée, Klesmer avait parfaitement discerné Mirah ; mais poli à l’excès, il s’inclina d’abord devant les trois sœurs, comme s’il était incertain de la personnalité de la jeune dame en question.

— Ce sont mes filles, dit madame Meyrick ; voici miss Lapidoth, ajouta-t-elle en désignant Mirah de la main.