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Page:Eliot - Daniel Deronda vol 2&3.djvu/87

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rendu toute leur estime. Mais imaginez ce que dut éprouver Mab, lorsque Klesmer, fixant tout à coup les yeux sur elle, dit avec décision :

— Je vois que cette jeune dame est musicienne !

— Oui, dit Mirah ; elle joue du piano.

— Oh ! Mirah, je vous en prie ; je gratte le piano, je n’en joue pas, s’écria Mab pleine d’angoisse à l’idée que ce devin, — Satan, sans doute, en pantalon gris, — allait lui ordonner de s’asseoir au piano. Mais quelle fut sa joie quand Klesmer, se tournant vers madame Meyrick, lui dit avec amabilité :

— Aimerait-elle d’accompagner miss Lapidoth mercredi, et d’entendre de la musique ?

— Ce serait le plus grand plaisir qu’on pût lui faire, répondit madame Meyrick ; elle en sera bien heureuse.

Klesmer alors s’inclina devant les trois sœurs plus qu’il ne l’avait fait encore et prit congé. Madame Meyrick ne put s’empêcher de le reconduire et ferma la porte derrière elle. Il la comprit, et lui dit avec un mouvement de tête un peu grondeur :

— Elle réussira. Si elle n’essaye pas de forcer sa voix, elle pourra s’en faire un revenu. Je sais que c’est le grand point ; Deronda me l’a dit. Vous veillez sur elle. Elle a l’air d’une bonne fille.

— C’est un ange, dit avec feu l’excellente femme.

— Non, repartit Klesmer en souriant ; c’est une jolie juive qui, je crois, a trouvé un ange gardien.

L’entretien se termina sur cette gracieuse expression. Les quatre jeunes filles s’étaient regardées sans rien dire, jusqu’à ce que, la porte se rouvrant, madame Meyrick rentra. Alors eut lieu l’explosion. Mab battit des mains et dansa tout autour de la chambre ; madame Meyrick embrassa Mirah et la bénit : Amy dit avec emphase : — Nous n’aurons