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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/163

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instants, en proie à un conflit de sentiments divers. Il regardait le plancher et secouait la tête et les mains comme pour accompagner quelque raisonnement intérieur. Enfin il reprit :

— Cela m’aurait rendu très lier et très heureux, Suzanne, et j’en aurais été ravi par amour pour vous. J’ai toujours senti que votre position n’était pas au niveau de ce que vous valiez. Mais vous m’avez choisi, tout homme simple que j’étais.

— J’ai choisi l’homme le meilleur et le plus digne que j’eusse jamais connu, dit mistress Garth,

— Eh bien, peut-être d’autres ont-ils pensé que vous auriez pu mieux faire. Mais, pour moi, c’eût été pire. Et c’est là ce qui me touche de si près à propos de Fred. Ce garçon est bon dans le fond et il a suffisamment de moyens pour se tirer d’affaire, si on le met dans la bonne voie ; il aime et honore ma fille par-dessus tout, et elle lui a fait une espèce de promesse relative. Je le dis, l’âme de ce jeune homme est entre mes mains, et je ferai pour lui du mieux que je pourrai, avec l’aide de Dieu ! C’est mon devoir, Suzanne.

Mistress Garth n’était pas portée aux larmes, mais il y en avait une grosse qui roulait le long de sa joue, avant que son mari eût fini de parler. Elle venait de la pression de sentiments divers, dans lesquels il entrait beaucoup d’affection et un peu de mécontentement. Elle l’essuya vivement en disant :

— Il y a peu d’hommes qui trouveraient de leur devoir, comme vous, Caleb, d’ajouter ainsi à leurs soucis.

— Cela ne signifie rien, ce que d’autres trouveraient. J’ai au dedans de moi un sentiment bien net que je suivrai ; et j’espère que votre cœur se joindra au mien, Suzanne, pour rendre toutes choses aussi légères que possible à Mary, la pauvre enfant. Caleb, se reculant dans son fauteuil, fixa sur sa femme un regard d’anxieux appel.

Elle se leva et l’embrassa en disant :