Aller au contenu

Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la vue du personnage louche vous donnait déjà chaud par un jour d’été ; Will, à moitié assis sur le bras d’un fauteuil de jardin, évita de le regarder.

Mais cette attitude ne fit pas grande impression sur M. Raffles, notre ancienne connaissance, que rien n’empêchait de s’imposer à l’attention d’autrui, du moment qu’il lui convenait de le faire. Il s’avança de quelques pas, et lorsqu’il fut en face de Will il l’interpella d’une voix forte :

— Excusez, monsieur Ladislaw, votre mère s’appelait-elle bien Sarah Dunkirk ?

Will, bondissant sur ses pieds, recula d’un pas en fronçant le sourcil et répondit d’un ton presque féroce :

— Oui, monsieur, c’était son nom, et qu’est-ce que cela vous fait ?

Chez Will, le premier élan était toujours une réponse directe à la question à lui adressée, en même temps qu’un défi de ce qui en résulterait. Répondre tout d’abord : Qu’est-ce que cela vous fait ? lui eût semblé biaiser, comme s’il se souciait des gens qui pouvaient connaître son origine.

Raffles, de son côté, ne souhaitait nullement la lutte que l’air menaçant de Ladislaw semblait promettre. Ce svelte jeune homme, avec son teint de jeune fille, ressemblait à un chat-tigre prêt à bondir sur lui. En de telles circonstances, le plaisir que prenait M. Raffles à tourmenter son monde faisait relâche.

— Ce n’est pas pour vous offenser, mon bon monsieur, pas pour vous offenser ! Seulement je me souviens de votre mère que j’ai connue jeune fille. Mais c’est à votre père que vous ressemblez, monsieur. J’ai eu le plaisir de voir aussi votre père. Vos parents sont-ils encore en vie, monsieur Ladislaw ?

— Non ! hurla Ladislaw sans changer d’attitude.

— Je serais heureux de vous rendre service, monsieur Ladislaw. Par Jupiter, j’en serais heureux ! Avec l’espoir de vous rencontrer une autre fois !