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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/217

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Là-dessus Rames, qui avait levé son chapeau en prononçant ces derniers mots, pirouetta sur lui-même et s’en alla. Will le suivit des yeux un moment et put voir qu’il ne rentrait pas dans la salle de vente, mais semblait se diriger du côté de la route. Il se demanda s’il n’avait pas eu tort peut-être de ne pas laisser parler cet homme davantage. Mais non, après tout ! Il préférait ne rien apprendre d’une pareille source.

Cependant, plus tard dans la soirée, Raffles le rejoignit sur la route, et paraissant soit avoir oublié la rudesse de son précédent accueil, soit désirer s’en venger par une condescendance familière, il le salua d’un air jovial et marcha à ses côtés, faisant d’abord quelques réflexions sur l’agrément de la ville et des environs. Will, soupçonnant cet homme d’avoir un peu bu, pensait à la manière de s’en débarrasser, lorsque Raffles lui dit :

— J’ai été moi-même à l’étranger, monsieur Ladislaw. J’ai vu le monde, je baragouinais un peu le français. J’ai été à Boulogne et j’y ai vu votre père. Vous lui ressemblez d’une façon frappante, par Jupiter ! la bouche, le nez, les yeux, les cheveux rejetés en arrière du front tout comme les siens, un peu à la mode étrangère. John Bull ne produit pas beaucoup d’enfants dans ce genre-là. Mais votre père était bien malade quand je l’ai vu, Seigneur ! Seigneur ! avec des mains si transparentes qu’on voyait au travers. Vous n’étiez alors qu’un petit garçon. S’en est-il remis ?

— Non, fit Will sèchement.

— Ah ! bien, je me suis souvent demandé ce qu’était devenue votre mère. Elle s’était enfuie de chez ses parents quand elle était encore jeune fille, une jeune fille au cœur fier, et jolie, par Jupiter ! J’ai su pourquoi elle s’était enfuie, dit Raffles, clignotant de l’œil tout en regardant Will de travers.

— Vous ne pouvez rien savoir de déshonorant sur son