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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/222

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de faire son salut dans l’Église établie. Elle tenait tant à ignorer vis-à-vis d’autrui que son mari avait été un dissident de Londres, qu’elle préférait tenir ce sujet à l’écart, même en lui parlant. Il ne s’en rendait pas moins compte ; il était, en vérité, à certains égards, comme effrayé de cette femme ingénue, dont la piété acquise et la mondanité naturelle étaient également sincères, qui n’avait à rougir de rien, et qu’il avait épousée par suite d’une inclination qui durait encore. Mais ses craintes étaient celles d’un homme jaloux de maintenir sa suprématie reconnue. Perdre l’estime de sa femme, perdre l’estime de tous ceux chez lesquels l’antipathie pour sa personne ne venait pas manifestement de leur haine pour la Vérité, eût été pour lui le commencement de la mort.

Quand elle lui dit :

— Est-il parti pour tout de bon ?

— Oh ! je le crois, répondit-il, s’efforçant de mettre dans sa voix la plus calme indifférence.

Mais, en réalité, M. Bulstrode était loin d’être, sur ce point, dans un état de calme indifférence. Dans sa visite à la banque, Raffles avait laissé voir d’une façon évidente que l’ardeur à tourmenter était presque aussi forte en lui que toute autre avidité. Il avait déclaré très franchement qu’il avait fait un détour pour venir à Middlemarch, tout exprès afin de s’informer de M. Bulstrode et de voir si le pays lui conviendrait pour y vivre. Il avait bien eu à payer quelques dettes de plus qu’il ne comptait, mais les deux cents livres n’étaient pas encore épuisées ; pour le moment il lui suffirait, pour s’en aller, d’un billet de vingt-cinq livres tout sec. Ce qu’il avait surtout désiré, c’était de voir son ami Nick et sa famille, et de savoir tout ce qui se rapportait à la prospérité d’un homme auquel il était tellement attaché. Dans quelque temps il reviendrait peut-être pour un plus long séjour.

Bulstrode se sentait impuissant. Ni les menaces ni les cajoleries ne pouvaient rien sur cet homme. Il n’y avait pas