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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/279

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davantage de cette affaire, dit-elle, avec un calme prudent, voulant évidemment se mettre sur la défensive.

Lydgate la regarda fixement, dans un étonnement muet, Une demi-heure seulement auparavant, il lui avait attaché ses bandeaux, et lui avait parlé ce petit langage d’affection que Rosemonde, sans y répondre d’ailleurs, acceptait en sereine et ravissante image, adressant de temps à autre miraculeusement à son adorateur un sourire qui laissait voir ses fossettes.

Avec de telles fibres encore vibrantes en lui, le choc qu’il reçut ne put devenir aussitôt et distinctement de la colère ; ce fut un vague sentiment de peine. Il déposa le couteau et la fourchette qu’il avait en mains et, se rejetant en arrière sur sa chaise, il reprit enfin avec une froide ironie dans la voix :

— Puis-je vous demander quand et pourquoi vous avez fait cela ?

— Quand j’ai su que les Plymdale avaient pris une maison, j’ai été lui dire de ne pas leur parler de la nôtre, et en même temps je lui ai dit de ne pas laisser aller les choses plus loin. Je savais que cela vous ferait beaucoup de tort, si l’on apprenait que vous désiriez vous défaire de votre maison et de votre mobilier, et j’y avais une très forte répugnance. Il me semble que ces raisons suffisaient.

— Ce n’était donc rien que je vous eusse, moi, fait connaître des raisons impérieuses d’un autre genre ; ce n’était donc rien que je fusse arrivé à une conclusion différente et que j’eusse donné des ordres d’après cette conclusion, dit Lydgate d’un ton mordant, le tonnerre et les éclairs s’amoncelant sur son front et dans ses yeux.

L’effet que produisait sur Rosemonde la colère d’un autre avait toujours été de la faire rentrer dans un froid mécontentement et de lui donner d’autant plus de calme et de correction, dans la conviction qu’elle n’était pas femme à