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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/280

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se mettre dans son tort, quoi que les autres pussent faire. Elle répliqua :

— Je crois que j’avais parfaitement le droit de parler sur un sujet qui me concerne au moins autant que vous.

— Certainement, vous aviez le droit de parler, mais à moi seulement. Vous n’aviez pas le droit de contrecarrer secrètement mes ordres, et d’en agir avec moi comme avec un être privé de raison, dit Lydgate du même ton qu’auparavant, Puis, avec une nuance nouvelle de mépris, il ajouta : Est-il possible de vous faire comprendre quelles en seront les conséquences ? Cela peut-il me servir à quelque chose de vous redire encore pourquoi nous devons tâcher de nous défaire de cette maison ?

— Il ne vous est pas nécessaire de me le redire encore, repartit Rosemonde d’une voix qui s’échappait et tombait de ses lèvres comme des gouttes d’eau froide. Je me rappelais ce que vous m’aviez dit alors… Vous parliez tout juste avec autant de violence que vous le faites en ce moment. Mais cela ne change pas mon opinion, que vous devriez essayer de tout autre moyen, plutôt que de vous décider à une démarche qui m’est tellement pénible. Et quant à faire insérer l’annonce de cette maison dans un journal, je trouve que ce serait absolument dégradant pour vous.

— Et supposez que je ne tienne pas compte de votre opinion, pas plus que vous ne tenez compte de la mienne ?

— Vous pouvez le faire sans doute. Mais je trouve que vous auriez dû me prévenir avant notre mariage, que vous me mettriez dans la pire situation du monde, plutôt que de renoncer à votre volonté.

Lydgate ne répondit pas ; il pencha la tête de côte et serra avec désespoir les coins de sa bouche. Rosemonde, voyant qu’il ne la regardait pas, se leva et posa devant lui sa tasse de café ; mais il n’y prit pas garde et s’enfonça dans le drame intime qui se débattait au dedans de lui, s’agitant