Aller au contenu

Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’idée de son mari avec des sentiments de déception, et le terrible et inflexible lien du mariage avait perdu son charme de délicieux rêves d’avenir. Il l’avait délivrée des désagréments de la maison paternelle, mais il ne lui avait pas donné ce qu’elle avait désiré et espéré. Le Lydgate dont elle avait été éprise était pour elle un assemblage de conditions idéales, dont la plupart s’étaient envolées, faisant place à des détails de chaque jour, au milieu desquels il fallait vivre lentement heure par heure, au lieu de voguer légèrement au travers, en n’en choisissant à la hâte que les côtés agréables. Les nécessités de la profession de Lydgate, à la maison ses préoccupations scientifiques, ses vues particulières sur des choses qui n’avaient jamais figuré dans leurs entretiens, au temps de leurs amours, — toutes ces influences de toutes les heures faites pour l’éloigner de lui, sans même parler de la fâcheuse position où il s’était placé dans la ville, ni de ce premier choc que lui avait produit la révélation de la dette envers Dover, tout cela ne pouvait que lui rendre à charge la présence de son mari. Une autre présence, depuis les premiers jours de son mariage jusqu’à ces derniers mois, avait bien été pour elle une agréable diversion, mais elle avait disparu ; Rosemonde ne voulait pas s’avouer pour combien le vide qui était résulté de ce départ entrait dans son ennui profond et il lui semblait (peut-être avait-elle raison) qu’une invitation à Quallingham et une proposition, pour Lydgate, de s’établir ailleurs qu’à Middlemarch, — à Londres ou dans quelque autre lieu ou l’on serait libre des désagréments de la vie — la satisferait pleinement et la rendrait indifférente à l’absence de Will Ladislaw, à qui elle avait d’ailleurs quelque peine à pardonner son enthousiasme pour mistress Casaubon.

Tel était l’état des choses entre Lydgate et Rosemonde, ce jour de l’an, où ils dînèrent chez M. Vincy, elle, ayant l’air tranquillement indifférente vis-à-vis de lui, en souvenir de