Aller au contenu

Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêler à son humiliation devant cet homme qui sacrifiait si tranquillement ses intérêts.

— Cela n’est pas nécessaire, dit Caleb agitant la main, baissant légèrement la tête et sans quitter l’accent de douceur où se sentait l’intention charitable d’épargner un homme digne de pitié. Ce qu’il m’a dit ne passera jamais mes lèvres, à moins que quelque chose que je ne puis prévoir maintenant ne me l’arrache de force. Si, par amour du gain, vous avez mené une conduite répréhensible et privé les autres de leur dû, en les trompant, afin d’avoir davantage pour vous-même, je pense que vous vous repentez ; vous voudriez revenir sur ce que vous avez fait et ne le pouvez pas. Cela doit être une pensée amère. — Caleb s’arrêta un moment et secoua la tête. Ce n’est pas à moi à rendre la vie plus dure pour vous.

— Mais vous me la rendez plus dure ! dit Bulstrode ne pouvant retenir ce cri sincère et suppliant. Vous me la rendez plus dure en me tournant le dos !

— Je suis pourtant forcé de le faire, dit Caleb encore plus doucement et en levant la main. J’en suis peiné, je ne vous juge pas et je ne dis pas : « C’est un méchant, et moi je suis juste, » à Dieu ne plaise. Je ne sais pas tout. Un homme peut mal agir, et sa volonté peut en sortir pure, bien qu’il ne puisse plus rendre la pureté à sa vie. C’est un triste châtiment. Si tel est votre cas, en bien ! j’en suis très affligé pour vous. Mais j’ai le sentiment intime que je ne puis continuer à travailler avec vous. Voilà tout, monsieur Bulstrode, le reste est enterré à jamais en tant qu’il dépend de ma volonté. Et je vous souhaite le bonjour.

— Un moment, monsieur Garth, dit Bulstrode précipitamment. Je puis compter, alors, sur votre assurance solennelle que vous ne répéterez ni à homme ni à femme au monde ce qui, admettant qu’il s’y trouvât une ombre de vérité, n’est cependant qu’une représentation malveillante des choses.