Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/330

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qu’il était malade et qu’on le traquait ; il y avait quelqu’un à ses trousses, il n’avait rien dit à personne, il était resté bouche close. Bulstrode, ne comprenant pas la signification de ces symptômes, vit, dans cette sensibilité nerveuse nouvelle, un moyen de faire peur à Raffles et de l’amener à une confession sincère, et il l’accusa de mentir. N’était-ce pas mentir que d’affirmer n’avoir rien révélé, alors qu’il venait de parler à l’homme qui l’avait recueilli dans sa voiture et amené à Stone-Court ? Raffles nia avec des invocations solennelles. À vrai dire, l’enchaînement des idées s’était interrompu chez lui, et le récit détaillé et empreint de terreur qu’il avait fait à Caleb Garth avait été débité sous l’empire d’impulsions tenant à une sorte de délire qui pour le moment paraissaient sommeiller. Le cœur de Bulstrode de nouveau s’affaissa, à ce signe qu’il ne pouvait avoir de prise sur esprit de ce malheureux et qu’on ne pouvait se fier à aucune de ses paroles ; comment savoir alors ce qu’il lui importait le plus de connaître, s’il avait, oui ou non, gardé réellement le silence vis-à-vis de tout le monde dans le voisinage, en dehors de Caleb Garth ? La femme de charge lui avait dit sans la moindre contrainte dans ses manières que, depuis le départ de M. Garth, Raffles lui avait demandé de la bière, puis n’avait plus rien dit et semblait très malade. De ce côté on pouvait conclure qu’il n’y avait pas eu trahison. Mistress Abel pensait, comme les domestiques des Bosquets, que cet homme étrange était de la race de ces parents désagréables qui comptent parmi les soucis des riches ; elle avait d’abord rattaché cette parenté à M. Rigg, et là où il y avait eu un legs de propriété, la présence bourdonnante de grosses mouches de cette espace paraissait assez naturelle. Comment il pouvait être parent de Bulstrode, cela n’était pas aussi clair, mais mistress Abel convint avec son mari qu’on ne pouvait pas savoir, proposition qui embrassait à ses yeux une vaste signification dans le domaine des choses de l’esprit, et là-