Aller au contenu

Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maintenant contre lui avec le dard acéré d’un mensonge découvert ; toutes ces pensées traversèrent son être comme une agonie de terreur qui ne réussit pas à tuer et laisse les oreilles ouvertes pour entendre encore le flot montant de l’exécration. Le sentiment soudain du péril après le sentiment de la sécurité recouvrée, revint s’imposer, non pas à l’organisation grossière d’un criminel, mais aux nerfs impressionnables d’un homme, dont toute l’intensité de vie s’était toujours portée vers ce rôle de suprématie que les circonstances mêmes lui avaient crée.

Mais dans ce sentiment intense se trouvait aussi la force de réagir. À travers toute son infirmité physique, frémissait le nerf tenace de la volonté ambitieuse et décidée à la préservation de soi-même, dont la flamme n’avait cessé de jaillir de son être pour dissiper toutes les craintes doctrinales, et qui, même alors qu’il était assis là, objet de compassion pour les miséricordieux, commençait à s’animer et à brûler sous sa pâleur de cendre. Avant que les derniers mots fussent sortis de la bouche de M. Hawley, Bulstrode sentit qu’il répondrait et que sa réponse serait une riposte. Il n’osa pas se lever et dire : « Je ne suis pas coupable, toute cette histoire est fausse ; » si même il l’avait osé, la sensation aiguë d’être démasqué, qu’il éprouvait en ce moment, lui eût fait paraître cet effort pour se sauver aussi inutile que de chercher à couvrir sa nudité sous un frêle lambeau qui se déchirerait au moindre effort.

Il régna pendant quelques instants un silence complet, tandis que tous les regards de l’assemblée étaient fixés sur Bulstrode. Il était assis, absolument immobile, fortement appuyé au dossier de sa chaise, n’osant se hasarder à se lever et quand il commença à parler il pressa de ses deux mains les deux côtés de son siège. Mais sa voix était parfaitement intelligible, seulement plus rauque que de coutume, et il s’exprimait distinctement, tout en s’arrêtant entre chaque