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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/384

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sait pas tout ce qu’elle avait dans l’esprit, c’était par égard pour les sentiments de celle qui l’écoutait. On pourrait dire en somme qu’une ardente charité était à l’œuvre, poussant les âmes vertueuses à faire pour son bien le malheur d’une voisine.

Il n’y avait guère de femmes à Middlemarch dont les infortunes conjugales eussent pu mettre en mouvement, de façons différentes, une plus grande dose de cette activité morale, que celles de Rosemonde et de sa tante Bulstrode. Mistress Bulstrode n’était pas un objet d’antipathie et n’avait jamais consciemment fait tort à aucun être humain. Les hommes l’avaient toujours regardée comme une jolie et agréable femme, et avaient porté au compte de l’hypocrisie de Bulstrode le choix qu’il avait fait d’une Vincy au sang rouge au lieu d’une personne pâle et mélancolique, appropriée à son peu d’estime pour les plaisirs terrestres. Quand la honte de son mari fut devenue publique, ils ne firent sur elle d’autres remarques que celle-ci « Ah ! pauvre femme ! Elle est aussi pure que le jour, elle n’a jamais rien soupçonné de mal en lui, vous pouvez en être sûr. » Les femmes qui étaient liées avec elle causèrent beaucoup ensemble de la « pauvre Henriette », se représentèrent ce que seraient ses sentiments lorsqu’elle saurait toute la vérité, et se mirent à former des conjectures sur ce qu’elle pouvait bien être arrivée à en savoir déjà. Aucune disposition hostile envers elle ; mais plutôt une active charité, anxieuse de décider pour elle ce qu’il serait bien de sentir et de faire dans la circonstance, de là pour toutes les imaginations matière à s’occuper de son caractère et de son histoire, depuis le temps où elle était Henriette Vincy jusqu’à ce jour. À la pensée de mistress Bulstrode et à l’analyse de sa situation, il était inévitable d’associer Rosemonde dont la destinée était pour le moment recouverte de la même flétrissure que celle de sa tante. On critiquait plus sévè-