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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/397

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fut muette, et muette aussi la promesse de fidélité de sa femme. Franche de cœur comme elle l’était, elle reculait cependant devant les paroles qui auraient exprimé leur sentiment mutuel, comme elle aurait reculé devant des étincelles de feu. Elle ne pouvait pas lui dire : « Qu’est-ce qui, dans tout cela, n’est que calomnie et injuste soupçon ? » et il ne dit pas : « Je suis innocent. »



CHAPITRE IV


Ses importuns créanciers payés, lorsque la maison n’eut plus à redouter l’apparition menaçante d’un agent de justice, Rosemonde eut un fugitif retour de gaieté. Mais ce c’était pas de la vraie joie : sa vie de femme n’avait répondu à aucune de ses espérances, à aucun des rêves caressés par son imagination. Durant ce court intervalle de calme, Lydgate, soucieux de tous les chagrins de Rosemonde et se rappelant ses fréquentes brusqueries, son irritabilité aux heures d’angoisse, s’était montré tendre et attentif pour elle ; mais lui aussi n’était plus tout à fait le même. Il sentait qu’il était encore nécessaire d’entretenir Rosemonde des économies à introduire dans leur manière de vivre comme d’une chose toute naturelle, essayant de la réconcilier peu à peu avec cette idée, et réprimant sa colère quand pour toute réponse elle énonçait le souhait d’aller vivre à Londres. Si elle s’abstenait de cette réponse, c’était pour l’écouter languissamment, en se demandant où étaient pour elle les jouissances qui valussent la peine de vivre. Les dures paroles de mépris qui étaient échappées son mari dans sa colère avaient vivement blessé cette vanité, qu’il avait été le premier à développer en elle jusqu’à un état de jouissance