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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/413

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je ne puis supporter l’idée que le mal soit irrévocable. Et dire que tout cela vous est arrivé à vous qui aviez rêvé d’une vie plus haute que le vulgaire, qui vouliez vous attacher à la recherche de voies nouvelles et meilleures. Je sais que tels étaient vos desseins. Je me rappelle ce que vous m’avez dit quand vous m’avez parlé pour la première fois de l’hôpital. Il n’y a pas de chagrin auquel j’aie plus réfléchi que celui-là : Aimer ce qui est grand, essayer de l’atteindre, et échouer.

— Oui, dit Lydgate, sentant qu’il y avait assez de largeur chez elle pour comprendre sa douleur dans toute son étendue. J’avais de l’ambition, je comptais que tout marcherait autrement. Je me croyais plus d’énergie et de puissance sur moi-même. Mais les plus terribles obstacles sont tels que personne ne peut les voir, excepté soi-même.

— Supposons, dit Dorothée d’un air méditatif, supposons que nous conservions l’hôpital avec les arrangements actuels et que vous restiez ici grâce à l’amitié et à l’appui de quelques-uns, le mauvais esprit qui règne contre vous se dissiperait peu à peu. Telles circonstances viendraient où beaucoup de ceux qui ont été injustes envers vous seraient forcés de reconnaître leur injustice en voyant combien votre but était pur. Vous pourrez acquérir encore la renommée des Louis et des Laënnec dont je vous ai entendu parler, et nous serons tous fiers de vous, conclut-elle avec un sourire.

— Peut-être si j’avais encore mon ancienne confiance en moi-même, dit Lydgate tristement. Rien ne me répugne plus que l’idée de me dérober et de fuir devant ce scandale en le laissant debout derrière moi. Cependant je ne puis demander à personne de mettre beaucoup d’argent dans une œuvre qui dépend du parti que je prendrai.

— Ce serait une chose faite pour moi, répondit Dorothée simplement. Je suis fort embarrassée de l’emploi de mon