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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/44

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— Je n’ai jamais appartenu à aucune caste, se disait-il et son sang jeune apparaissait et disparaissait sur sa peau transparente à chaque battement de son cœur. Mais ce sont choses différentes d’aimer le défi, ou d’en aimer les conséquences.

L’opinion de la ville sur le nouveau rédacteur du Pionnier tendait à confirmer les idées de M. Casaubon. La parenté de Will avec une famille distinguée ne lui servait pas, comme les hautes relations de famille de Lydgate, d’introduction avantageuse ; si le bruit courait que le jeune Ladislaw était le neveu ou le cousin de M. Casaubon, le bruit courait aussi que M. Casaubon ne voulait pas avoir affaire avec lui.

— Brooke s’est chargé de lui, disait M. Hawley, parce que c’est une chose qui ne serait jamais venue à l’idée d’un homme de bon sens. Casaubon a de diablement bonnes raisons, vous pouvez y compter, pour battre froid à ce jeune drôle dont il a payé l’éducation.

M. Keck, l’éditeur de la Trompette, assurait que, si on connaissait la vérité, on découvrirait dans Ladislaw non seulement un espion polonais, mais un individu légèrement timbré, ce qui expliquait la rapidité et la volubilité extraordinaire de son langage dès qu’il était lancé sur un sujet. Keck trouvait abominable de voir un individu de rien, aux cheveux bouclés et flottants, se lever et discourir à l’heure, comme un énergumène, contre les institutions qui existaient alors qu’il était encore au berceau.

Ce dangereux aspect de Ladislaw contrastait étrangement avec certaines de ses habitudes, qui devinrent aussi matière à remarques. Il avait pour les petits enfants une tendresse à la fois de nature et d’artiste. Plus ils étaient petits sur leurs jambes remuantes, plus leur costume était drôle, et plus Will aimait à leur faire des surprises et à les amuser. Nous savons qu’à Rome il se plaisait à se promener