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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/49

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avec les hommes que l’on a sous la main, on serait vite au pied du mur. Supposez justifiée la plus mauvaise opinion que l’on a de Bulstrode dans la ville, en serait-il moins vrai qu’il a le sentiment et la volonté de faire ce qui, à mon avis, doit être fait dans les matières qui me concernent et m’intéressent ; mais c’est le seul point où je marche avec lui, ajouta Lydgate avec une certaine fierté, se rappelant les observations de M. Farebrother. Il ne m’est rien d’ailleurs ; je ne le prônerais pour nul motif personnel, je m’en garderais bien.

— Voulez-vous dire que je prône Brooke pour quelque motif personnel, dit Will Ladislaw piqué et se retournant brusquement.

Pour la première fois il se sentit blessé par Lydgate, et peut-être le fut-il d’autant plus que celui-ci semblait s’être abstenu de toute curiosité au sujet des motifs de sa liaison avec Brooke.

— En aucune façon, repartit Lydgate. J’expliquais simplement mes mobiles. Je voulais dire qu’un homme poursuivant un but spécial peut travailler avec d’autres hommes dont les motifs et la conduite générale sont équivoques, pourvu que lui-même soit bien sûr de son indépendance personnelle, et qu’il ne travaille pas pour son intérêt propre, qu’il s’agisse de place ou d’argent.

— Alors pourquoi n’étendez-vous pas votre libéralité à d’autres ? Mon indépendance personnelle compte autant pour moi que la vôtre compte pour vous. Vous n’avez pas plus de raisons d’imaginer que je fonde des espérances personnelles sur Brooke que je n’en ai d’imaginer que vous en fondez sur Bulstrode. Nos mobiles sont, je suppose, affaire de point d’honneur. Ils ne regardent personne. Mais quant à de l’argent et une situation dans le monde, conclut Will en rejetant la tête en arrière, je crois qu’il est assez clair que je ne me laisse pas diriger par des considérations de cette sorte.