Aller au contenu

Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/505

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et noble impulsion luttant au milieu des conditions d’un état social imparfait, dans lequel les grands sentiments prennent souvent l’aspect de l’erreur et la grande foi l’aspect de l’illusion. Il n’y a pas de créature humaine dont la conscience soit assez forte pour n’être pas grandement influencée par ce qui l’entoure. Une nouvelle sainte Thérèse n’aura guère l’occasion de réformer une vie conventuelle, pas plus qu’une nouvelle Antigone ne dépensera son héroïque piété en bravant tout pour l’amour de la sépulture d’un frère : le milieu dans lequel leurs ardentes actions ont pris corps a pour toujours disparu. Mais nous, gens obscurs, avec nos paroles et nos actions de tous les jours, nous préparons à un grand nombre de Dorothées des vies où il pourra se rencontrer des sacrifices bien autrement tristes que celui de la Dorothée dont nous connaissons l’histoire.

Pour ne point rayonner au loin, son cœur, formé dans un si noble moule, ne conserva pas moins toujours ses beaux et lumineux élans. Sa nature, débordante comme cette rivière dont Cyrus brisa la force, se répandit en canaux qui n’eurent pas de grands noms sur cette terre. Mais l’influence des vertus de son être agit profondément sur ceux qui l’entouraient : car le bien croissant de la terre dépend en partie d’actes non historiques ; et si les choses ne vont pas aussi mal pour vous et pour moi qu’elles eussent pu aller, remercions-en pour une grande part ceux qui vécurent fidèlement une vie cachée et qui reposent dans des tombes que personne ne visite plus.



fin du tome second