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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/86

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cela qu’il s’est mis à jouer. On joue beaucoup le whist ici, à Middlemarch. Il joue pour gagner et gagne pas mal. Il se trouve entraîné naturellement dans une société un peu au-dessous de lui et amené à négliger certaines choses. Et néanmoins, à le considérer dans l’ensemble, je crois que c’est un des hommes les plus exempts de blâme que j’aie jamais connus. Il n’y a en lui ni venin ni duplicité, et ces défauts-là accompagnent souvent des dehors plus corrects.

— Je me demande si, au fond de sa conscience, il souffre de cette habitude, dit Dorothée. Je me demande s’il souhaiterait d’y renoncer.

— Il y renoncerait, je crois, bien volontiers, s’il se trouvait tout à coup dans l’aisance ; il serait heureux de faire un autre emploi de ce temps.

— Mon oncle m’assure qu’on parle de Tyke comme d’un homme apostolique, dit Dorothée un peu pensive.

Elle eût souhaité de faire revivre, si possible, les âges de la foi primitive, et pourtant elle songeait à M. Farebrother avec un ardent désir de l’affranchir de ce besoin d’argent gagné au jeu.

— Je ne prétendrai pas que Farebrother soit apostolique, reprit Lydgate. Sa mission n’est pas absolument celle des apôtres. C’est un pasteur au milieu de ses paroissiens, dont il doit s’efforcer de rendre la vie meilleure. Ce qu’on appelle aujourd’hui apostolique me paraît représenter, en pratique, une impatience de toutes choses, où le pasteur ne joue pas le rôle principal. M. Tyke m’en offre un exemple à l’hôpital : une bonne partie de sa doctrine consiste à faire désagréablement sentir sa présence aux gens par une espèce de pinçure douloureuse. Et puis, un homme apostolique à Lowick ! Il faudrait qu’il eût la foi de saint François d’Assise et qu’il pût croire utile de prêcher aux moineaux !

— C’est vrai. Il est pénible de voir le genre de notions que retirent nos fermiers et nos laboureurs des instructions