Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
POT-BOUILLE

— Caroline a bien besoin de ne pas souhaiter des enfants, déclara-t-elle en se tournant vers madame Hédouin, assise à deux chaises de distance. Ce que ces petits êtres-là bousculent vos habitudes !

Madame Hédouin dit qu’elle les aimait beaucoup. Mais elle était trop occupée ; son mari se trouvait sans cesse aux quatre coins de la France ; et toute la maison retombait sur elle.

Octave, debout derrière sa chaise, fouillait d’un regard oblique les courts cheveux frisés de sa nuque, d’un noir d’encre, et les blancheurs neigeuses de sa gorge, décolletée très bas, qui se perdait dans un flot de dentelles. Elle achevait de le troubler, si calme, avec ses paroles rares et son beau sourire continu ; jamais il n’avait rencontré une pareille créature, même à Marseille. Décidément, il fallait voir, quitte à y travailler longtemps.

— Les enfants abîment si vite les femmes ! dit-il en se penchant à son oreille, voulant absolument lui adresser la parole, et ne trouvant rien autre chose.

Elle leva ses grands yeux avec lenteur, puis répondit de l’air simple dont elle lui donnait un ordre, au magasin :

— Oh ! non, monsieur Octave ; moi, ce n’est pas pour ça… Il faudrait avoir le temps, voilà tout.

Mais madame Duveyrier intervint. Elle avait accueilli le jeune homme d’un léger salut, lorsque Campardon le lui avait présenté ; et, maintenant, elle l’examinait, l’écoutait, sans chercher à cacher un intérêt brusque. Quand elle l’entendit causer avec son amie, elle ne put s’empêcher de lui demander :

— Mon Dieu ! monsieur, excusez-moi… Quelle voix avez-vous ?

Il ne comprit pas tout de suite, il finit par dire qu’il avait une voix de ténor. Alors, Clotilde s’enthousiasma :