Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
POT-BOUILLE

dait une pâleur rosée, parut ne pas comprendre. Il ne put en tirer aucun détail.

— Et vos parents ? demanda-t-elle à son tour. Comment se portent monsieur et madame Mouret ?

— Très bien, je vous remercie, répondit-il. Ma mère ne sort plus de son jardin. Vous retrouveriez la maison de la rue de la Banne, telle que vous l’avez laissée.

Madame Campardon, qui semblait ne pouvoir rester longtemps debout sans fatigue, s’était assise sur une haute chaise à dessiner, les jambes allongées dans son peignoir ; et lui, approchant un siège bas, levait la tête pour lui parler, de son air d’adoration habituel. Avec ses larges épaules, il était femme, il avait un sens des femmes qui, tout de suite, le mettait dans leur cœur. Aussi, au bout de dix minutes, tous deux causaient-ils déjà comme de vieilles amies.

— Me voilà donc votre pensionnaire ? disait-il en passant sur sa barbe une main belle, aux ongles correctement taillés. Nous ferons bon ménage, vous verrez… Que vous avez été charmante, de vous souvenir du gamin de Plassans et de vous occuper de tout, au premier mot !

Mais elle se défendait.

— Non, ne me remerciez pas. Je suis bien trop paresseuse, je ne bouge plus. C’est Achille qui a tout arrangé… Et, d’ailleurs, ne suffisait-il pas que ma mère nous confiât votre désir de prendre pension dans une famille, pour que nous songions à vous ouvrir notre maison ? Vous ne tomberez pas chez des étrangers, et cela nous fera de la compagnie.

Alors, il conta ses affaires. Après avoir enfin obtenu le diplôme de bachelier, pour contenter sa famille, il venait de passer trois ans à Marseille, dans une grande maison d’indiennes imprimées, dont la fabrique se trouvait aux environs de Plassans. Le commerce le pas-