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LES ROUGON-MACQUART

sionnait, le commerce du luxe de la femme, où il entre une séduction, une possession lente par des paroles dorées et des regards adulateurs. Et il raconta, avec des rires de victoire, comment il avait gagné les cinq mille francs, sans lesquels, d’une prudence de juif sous les dehors d’un étourdi aimable, il ne se serait jamais risqué à Paris.

— Imaginez-vous, ils avaient une indienne pompadour, un ancien dessin, une merveille… Personne ne mordait ; c’était dans les caves depuis deux ans… Alors, comme j’allais faire le Var et les Basses-Alpes, j’eus l’idée d’acheter tout le solde et de le placer pour mon compte. Oh ! un succès, un succès fou ! Les femmes s’arrachaient les coupons ; il n’y en a pas une, aujourd’hui, qui n’ait là-bas de mon indienne sur le corps… Il faut dire que je les roulais si gentiment ! Elles étaient toutes à moi, j’aurais fait d’elles ce que j’aurais voulu.

Et il riait, pendant que madame Campardon, séduite, troublée par la pensée de cette indienne pompadour, le questionnait. Des petits bouquets sur fond écru, n’est-ce pas ? Elle en avait cherché partout pour un peignoir d’été.

— J’ai voyagé deux ans, c’est assez, reprit-il. D’ailleurs, il faut bien conquérir Paris… Je vais immédiatement chercher quelque chose.

— Comment ! s’écria-t-elle, Achille ne vous a pas raconté ? Mais il a pour vous une situation, et à deux pas d’ici !

Il remerciait, s’étonnant comme en pays de Cocagne, demandant par plaisanterie s’il n’allait pas trouver, le soir, une femme et cent mille francs de rente dans sa chambre, lorsqu’une enfant de quatorze ans, longue et laide, avec des cheveux d’un blond fade, poussa la porte et jeta un léger cri d’effarouchement.