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POt-BOUILLE

— Entre et n’aie pas peur, dit madame Campardon. C’est monsieur Octave Mouret, dont tu nous as entendu parler.

Puis, se tournant vers celui-ci :

— Ma fille Angèle… Nous ne l’avions pas emmenée lors de notre dernier voyage. Elle était si délicate ! Mais la voilà qui se remplit un peu.

Angèle, avec la gêne maussade des filles dans l’âge ingrat, était venue se placer derrière sa mère. Elle coulait des regards sur le jeune homme souriant. Presque aussitôt, Campardon reparut, l’air animé ; et il ne put se tenir, il conta l’heureuse chance à sa femme, en quelques phrases coupées : l’abbé Mauduit, vicaire à Saint-Roch, pour des travaux ; une simple réparation, mais qui pouvait le mener loin. Puis, contrarié d’avoir causé devant Octave, frémissant encore, il tapa dans ses mains, en disant :

— Allons, allons, que faisons-nous ?

— Mais vous sortiez, dit Octave. Je ne veux pas vous déranger.

— Achille, murmura madame Campardon, cette place, chez les Hédouin…

— Tiens ! c’est vrai, s’écria l’architecte. Mon cher, une place de premier commis, dans une maison de nouveautés. J’y connais quelqu’un, qui a parlé pour vous… On vous attend. Il n’est pas quatre heures, voulez-vous que je vous présente ?

Octave hésitait, inquiet du nœud de sa cravate, troublé dans sa passion d’une mise correcte. Pourtant, il se décida, lorsque madame Campardon lui eut juré qu’il était très convenable. D’un mouvement languissant, elle avait tendu le front à son mari, qui la baisait avec une effusion de tendresse, répétant :

— Adieu, mon chat… adieu, ma cocotte…

— Vous savez, on dîne à sept heures, dit-elle en les