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POT-BOUILLE

aura le toupet d’échapper à ses promesses… D’ailleurs, Berthe doit une visite à son parrain. C’est convenable.

Le lendemain, tous trois, la mère, le père et la fille, se rendirent officiellement aux magasins de l’oncle, qui occupaient le sous-sol et le rez-de-chaussée d’une vaste maison de la rue d’Enghien. Des camions embarrassaient la porte. Dans la cour vitrée, une équipe d’emballeurs clouaient des caisses ; et, par des baies ouvertes, on apercevait des coins de marchandises, des légumes secs et des coupons de soie, de la papeterie et des suifs, tout l’encombrement des mille commissions données par les clients, et des achats risqués à l’avance, aux moments de baisse. Bachelard était là avec son grand nez rouge, l’œil encore allumé d’une ivresse de la veille, mais l’intelligence nette, retrouvant son flair et sa chance, dès qu’il retombait devant ses livres.

— Tiens ! c’est vous ! dit-il, très ennuyé.

Et il les reçut dans un petit cabinet, d’où il surveillait ses hommes, par un vitrage.

— Je t’ai amené Berthe, expliqua madame Josserand. Elle sait ce qu’elle te doit.

Puis, lorsque la jeune fille, après avoir embrassé son oncle, fut retournée dans la cour s’intéresser aux marchandises, sur un coup d’œil de sa mère, celle-ci aborda résolument la question.

— Écoute, Narcisse, voici où nous en sommes… Comptant sur ton bon cœur et sur tes promesses, je me suis engagée à donner une dot de cinquante mille francs. Si je ne la donne pas, le mariage est rompu… Ce serait une honte, au point où en sont les choses. Tu ne peux pas nous laisser dans un embarras pareil.

Mais les yeux de Bachelard s’étaient troublés ; et il bégaya, très ivre :

— Hein ? quoi ? tu as promis… Faut pas promettre ; mauvais, de promettre…