Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
172
LES ROUGON-MACQUART

nous rembourser plus tard, en touchant le capital assuré.

Il y eut un silence. M. Josserand, glacé, étranglé, regardait de nouveau la rue noire. Le conseiller sembla réfléchir un instant ; peut-être flairait-il l’affaire, ravi de laisser duper ces Vabre, qu’il exécrait dans sa femme.

— Tout cela me paraît très raisonnable, dit-il enfin. C’est à nous de vous remercier… Il est rare qu’une dot se paie intégralement.

— Jamais, monsieur ! affirma l’oncle avec énergie. Ça ne se fait pas.

Et les trois hommes se serrèrent la main, en se donnant rendez-vous chez le notaire, pour le jeudi. Quand M. Josserand reparut aux lumières, il était si pâle, qu’on lui demanda s’il se trouvait indisposé. Il ne se sentait pas très bien en effet, et il se retira, sans vouloir attendre son beau-frère, qui venait de passer dans la salle à manger, où le thé classique était remplacé par du champagne.

Cependant, Gueulin, étendu sur un canapé, près de la fenêtre, murmurait :

— Cette canaille d’oncle !

Il avait surpris une phrase sur l’assurance, et il ricanait, en confiant la vérité à Octave et à Trublot. Ça s’était fait dans sa compagnie ; pas un liard à toucher, on roulait le Vabre. Puis, comme les deux autres s’égayaient de cette bonne farce, les mains sur le ventre, il ajouta avec une violence comique :

— J’ai besoin de cent francs… Si l’oncle ne me donne pas cent francs, je vends la mèche.

Les voix montaient, le champagne compromettait l’arrangement de décence, établi par Clarisse. Dans son salon, les fins de soirée étaient toujours un peu vives. Elle-même s’oubliait parfois. Trublot la montra à