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POt-BOUILLE

Octave, derrière une porte, pendue au cou d’un gaillard à encolure de paysan, un tailleur de pierre débarqué du Midi, et dont sa ville natale était en train de faire un artiste. Mais Duveyrier ayant poussé la porte, elle dénoua lestement ses bras, elle lui recommanda le jeune homme : M. Payan, un sculpteur du talent le plus gracieux ; et Duveyrier, enchanté, promit de lui faire obtenir des travaux.

— Des travaux, des travaux, répétait Gueulin à demi-voix, il en a ici tant qu’il en veut, grand serin !

Vers deux heures, lorsque les trois jeunes gens et l’oncle quittèrent la rue de la Cerisaie, ce dernier était complètement ivre. Ils auraient voulu l’emballer dans un fiacre ; mais le quartier dormait au milieu d’un solennel silence, sans un bruit de roue, sans même un pas attardé. Alors, ils se décidèrent à le soutenir. La lune s’était levée, une lune très claire qui blanchissait les trottoirs. Et, dans les rues désertes, leurs voix prenaient des sonorités graves.

— Sacredieu ! l’oncle, tenez-vous donc ! vous nous cassez les bras.

Lui, la gorge pleine de larmes, était devenu très tendre et très moral.

— Va-t’en, Gueulin, bégayait-il, va-t’en… Je ne veux pas que tu voies ton oncle dans un état pareil… Non, mon garçon, ce n’est pas convenable, va-t’en !

Et, comme son neveu le traitait de vieux filou :

— Filou, ça ne dit rien. Il faut se faire respecter… Moi, j’estime les femmes. Toujours des femmes propres, et quand il n’y a pas du sentiment, ça me répugne… Va-t’en, Gueulin, tu fais rougir ton oncle. Ces messieurs suffisent.

— Alors, déclara Gueulin, vous allez me donner cent francs. Vrai, j’en ai besoin pour mon loyer. On veut me jeter dehors.