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LES ROUGON-MACQUART

son frère Léon, qui arrivait seulement, en retard comme toujours.

— Tu es gentil ! papa et maman sont satisfaits !… Ne pas pouvoir être là, quand on marie une de vos sœurs !… Nous t’attendions au moins avec madame Dambreville.

— Madame Dambreville fait ce qu’il lui plaît, dit sèchement le jeune homme, et moi, je fais ce que je peux.

Ils étaient en froid. Léon trouvait qu’elle le gardait trop longtemps pour elle, fatigué d’une liaison dont il avait accepté les ennuis, dans le seul espoir de quelque beau mariage ; et, depuis quinze jours, il la mettait en demeure de tenir ses promesses. Madame Dambreville, prise au cœur d’une rage d’amour, s’était même plainte à madame Josserand de ce qu’elle appelait les lubies de son fils. Aussi cette dernière voulut-elle le gronder, en lui reprochant de n’avoir ni tendresse ni égards pour la famille, puisqu’il affectait de manquer les cérémonies les plus solennelles. Mais, de sa voix rogue de jeune démocrate, il donna des raisons : un travail imprévu chez le député dont il était secrétaire, une conférence à préparer, toutes sortes de besognes et de courses de la dernière importance.

— C’est si vite fait pourtant, un mariage ! dit madame Dambreville sans songer à sa phrase, en le suppliant du regard pour l’attendrir.

— Pas toujours ! répondit-il durement.

Et il alla embrasser Berthe, puis serrer la main de son nouveau beau-frère, tandis que madame Dambreville pâlissait, torturée, se redressant dans sa toilette feuille-morte et souriant vaguement au monde qui entrait.

C’était le défilé des amis, des simples connaissances, de tous les invités entassés dans l’église, dont la queue