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POT-BOUILLE

pas la réprimande. Elle était triomphante, Verdier venait de fixer leur mariage à deux mois, en juin.

— Fiche-moi la paix ! dit la mère.

— Je t’assure, maman… Il découche déjà trois fois par semaine pour accoutumer l’autre, et dans quinze jours il ne rentrera plus du tout. Alors, ce sera fini, je l’aurai.

— Fiche-moi la paix ! J’en ai par-dessus la tête, de votre roman !… Tu vas me faire le plaisir d’attendre à la porte le docteur Juillerat et de me l’envoyer dès son arrivée… Surtout pas un mot à ta sœur !

Elle rentra dans la pièce voisine, laissant Hortense murmurer que, Dieu merci ! elle ne demandait l’approbation de personne, et qu’il y aurait bien du monde d’attrapé, lorsqu’on la verrait, un jour, se marier mieux que les autres. Pourtant, elle alla guetter l’entrée du docteur.

Maintenant, l’orchestre jouait une valse. Berthe dansait avec un petit cousin de son mari, pour épuiser à tour de rôle les membres de la famille. Madame Duveyrier n’avait pu refuser l’oncle Bachelard, qui l’incommodait beaucoup, en lui soufflant dans la figure. La chaleur grandissait, le buffet s’emplissait déjà de messieurs, s’épongeant le front. Des fillettes, dans un coin, sautaient ensemble ; pendant que des mères, rêveuses, assises à l’écart, songeaient aux noces toujours manquées de leurs demoiselles. On félicitait beaucoup les deux pères, M. Vabre et M. Josserand, qui ne se quittaient plus, sans échanger d’ailleurs une parole. Tout le monde avait l’air de s’amuser et se récriait devant eux sur la gaieté du bal. C’était, selon le mot de Campardon, une gaieté de bon aloi.

Mais l’architecte, par effusion galante, s’inquiétait de l’état de Valérie, tout en ne manquant pas une danse. Il eut l’idée d’envoyer sa fille Angèle prendre des nou-