Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
LES ROUGON-MACQUART

velles en son nom. La petite, dont les quatorze ans, depuis le matin, brûlaient de curiosité autour de la dame qui faisait tant causer, fut ravie de pouvoir pénétrer dans le salon voisin. Et elle ne revint pas, l’architecte dut se permettre d’entr’ouvrir la porte et de passer la tête. Il aperçut sa fille debout devant le canapé, profondément absorbée par la vue de Valérie, dont la gorge tendue, secouée de spasmes, avait jailli hors du corsage dégrafé. Des protestations s’élevèrent, on lui criait de ne pas entrer ; et il se retira, il jura qu’il désirait seulement savoir comment ça tournait.

— Ça ne va pas, ça ne va pas, dit-il mélancoliquement aux personnes qui se trouvaient près de la porte. Elles sont quatre à la tenir… Faut-il qu’une femme soit bâtie, pour sauter ainsi, sans se rien démancher !

Il s’était formé là un groupe. On y commentait à demi-voix les moindres phases de la crise. Des dames, averties, arrivaient d’un air d’apitoiement entre deux quadrilles, pénétraient dans le petit salon, puis rapportaient des détails aux hommes, et retournaient danser. C’était tout un coin de mystère, des mots dits à l’oreille, des regards échangés, au milieu du brouhaha grandissant. Et, seul, abandonné, Théophile se promenait devant la porte, rendu malade par cette idée fixe qu’on se moquait de lui et qu’il ne devait pas le souffrir.

Mais le docteur Juillerat traversa vivement la salle de bal, accompagné d’Hortense qui lui donnait des explications. Madame Duveyrier les suivait. Quelques personnes s’étonnèrent, des bruits se répandirent. À peine le médecin avait-il disparu, que madame Josserand sortit de la pièce avec madame Dambreville. Sa colère montait ; elle venait de vider deux carafes d’eau sur la tête de Valérie ; jamais elle n’avait vu