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POT-BOUILLE

une femme nerveuse à ce point. Alors, elle s’était décidée à faire le tour du bal, pour arrêter les indiscrétions par sa présence. Seulement, elle marchait d’un pas si terrible, elle distribuait des sourires si amers, que tout le monde, derrière elle, entrait dans la confidence.

Madame Dambreville ne la quittait pas. Depuis le matin, elle lui parlait de Léon, avec de vagues plaintes, tâchant de l’amener à intervenir auprès de son fils, pour replâtrer leur liaison. Elle le lui fit voir, comme il reconduisait une grande fille sèche, auprès de laquelle il affectait de se montrer très assidu.

— Il nous abandonne, dit-elle avec un léger rire, tremblant de larmes contenues. Grondez-le donc, de ne plus même nous regarder.

— Léon ! appela madame Josserand.

Quand il fut là, elle ajouta brutalement, n’étant pas d’humeur à envelopper les choses :

— Pourquoi es-tu fâché avec madame ?… Elle ne t’en veut pas. Expliquez-vous donc. Ça n’avance à rien, d’avoir mauvais caractère.

Et elle les laissa l’un devant l’autre, interloqués. Madame Dambreville prit le bras de Léon, tous deux allèrent causer dans l’embrasure d’une fenêtre ; puis, ils quittèrent le bal ensemble, tendrement. Elle lui avait juré de le marier à l’automne.

Cependant, madame Josserand qui continuait à distribuer des sourires, fut prise d’une grosse émotion, quand elle se trouva devant Berthe, essoufflée d’avoir dansé, toute rose dans sa robe blanche qui se fripait. Elle la saisit entre ses bras, et défaillant à une vague association d’idées, se rappelant sans doute l’autre, dont la face se convulsait affreusement :

— Ma pauvre chérie, ma pauvre chérie ! murmura-t-elle, en lui donnant deux gros baisers.